Lundi | Mardi | Mercredi | Jeudi | Vendredi | Samedi | Dimanche |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | ||
6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 |
13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 |
20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 |
27 | 28 | 29 | 30 | |||
2 juin 2005 : Il n'y a pas que la météo qui peut démoraliser un expérimentateur. L'informatique aussi, et surtout quand il s'agit de pannes matérielles. Pas de chance ! L’ordinateur que j’utilise pour traiter et archiver les données obtenues a rendu l’âme, impossible de le redémarrer. J’ai ouvert la "bête" et j’ai vite repéré un circuit brûlé. Comment est-ce arrivé ? Je n’en ai aucune idée, mais le fait est là. Apparemment, je ne suis pas le seul à subir ces avatars puisque le stock des alimentations et des cartes mères est épuisé. Il faut absolument trouver une solution de dépannage. Affaire à suivre !
4 juin 2005 : Notre plus jeune hivernant, Emanuele, a 27 ans aujourd’hui. Jean-Louis lui a préparé un menu spécial anniversaire, événement à ne manquer sous aucun prétexte.
Pour les cadeaux, pas de recours
possible au marketing. La solution : être attentif à l'autre, avoir de l'imagination et passer maître dans
l'art du système D. Jean et Stéphane ont méticuleusement conçu un
modèle réduit de la chargeuse Caterpillar, le seul véhicule encore en activité,
utilisé, sous la responsabilité de Jean, pour charrier la neige jusqu’au
fondoir. Cet engin, séduit beaucoup Emanuele qui en parle
souvent et qui a même un rêve : pouvoir un jour le conduire sur un court trajet.
En guise de présent, il a reçu également une perruque... Allusion à sa
calvitie débutante ? La fête s’est
poursuivie tard dans la nuit, l’occasion pour nous de nous retrouver tous
ensemble dans une joyeuse ambiance, nos activités variées ne nous le permettant
qu'occasionnellement.
6 juin 2005 : Dans la base, le travail collectif est réparti de telle sorte que tous les douze jours, l'un d’entre nous prend en charge le nettoyage des parties communes, douches, toilettes, la préparation de la table de midi, avec l’aide du chef pour le service, le lavage de la vaisselle et idem pour le soir. Pas le temps de rêvasser ! A intervalle régulier, cette journée particulière tombe le jour de repos du chef ce qui complique sérieusement les choses car, outre les tâches déjà citées, il faut aussi fournir la preuve de nos talents de cuisinier. La première fois que j’ai eu ce travail à réaliser (au tout début de notre installation dans la base), Jean-Louis m’a dispensé une aide précieuse. Aujourd’hui, pas question ! Je dois me débrouiller et l’intégralité de ma journée va se passer dans la cuisine.
Mes compagnons ont passé commande et, sans hésitation, ont opté pour la cuisine orientale. Il a bien fallu faire face. J’ai élaboré mon menu, puis, vite un petit mail à ma femme pour qu’elle m’envoie les recettes (chez moi, j’ai déjà mijoté ce genre de petits plats mais jamais "sans filet", le livre de cuisine est toujours à proximité). Enfin, je me suis mis aux fourneaux et les odeurs ont commencé à se répandre. En entrée, une soupe appelée chorba, à base de viande de mouton, tomates, oignons, piments, semoule de blé, et coriandre qui, au détriment de la saveur, faisait défaut. Suivaient un tajine au poulet, citrons et olives, un autre à l’agneau, aux pruneaux et aux oignons et enfin, en dessert, une pyramide de tchareks (cornes de gazelles). Pour moi, la journée fut difficile malgré le coup de main de Guillaume pour la mise en forme des tchareks et de Christophe pour la vaisselle. Quand on manque de pratique, la fatigue est souvent au rendez-vous, mais les amis se sont régalés et c’est le principal. A 22 h, je me suis écroulé dans mon lit et endormi aussitôt dans la sérénité du travail accompli.
7 juin 2005 : Le milieu de l’hivernage approche et, comme le veut la tradition polaire, nous commençons la préparation de la fête de mid-winter. Dans toutes les stations pratiquant l’hivernage, les occupants organisent, à la mi-juin, des réjouissances qui vont durer pendant une semaine. Le programme est établi par le groupe qui opte pour un thème. Ensuite, le partage des tâches est défini. Il faut organiser les jeux, les soirées, le décor, etc… A Concordia, l’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit de la toute première fois et nous aimerions mettre en place les règles de base de festivités qui caractériseraient le Dôme C et deviendraient une tradition à poursuivre et à améliorer par les futurs hivernants.
Tous ces préparatifs n’ont pas réussi à déconcentrer Claire qui reste sur ses gardes. Elle a organisé un exercice de démarrage du groupe de secours du camp d’été. Au petit matin, avec Michel Munoz et Christophe, elle a pris la direction du campement. Ils traînaient derrière eux une polka sur laquelle ils avaient disposé batteries et autres instruments nécessaires à la mise en route. La tâche ne fut pas simple, mais le résultat indiscutablement positif.
Les travaux classiques ne sont pas abandonnés non plus.
10
juin 2005 :
La mid-winter approche, aussi faut-il songer à soigner notre look
pour être dignes de l’événement. A
Concordia, les coiffeurs sont rares et
Emanuele et Jean ont déjà pris rendez-vous,
pour une coupe "spécial fête", avec Stéphane, leur coiffeur
attitré. Pour l’occasion, mon
laboratoire est transformé en salon haut de gamme avec ambiance musicale,
magnifique miroir, tondeuse clinquante, sac poubelle moelleux recouvrant le sol
et sac poubelle bien étanche recouvrant le client. Après un minutieux
nettoyage à l’aspirateur, y compris sur les épaules, nos deux amis repartent
satisfaits et propres comme des sous neufs.
11 juin 2005 : Le mois de juin est
le mois le plus attendu en Antarctique puisque, comme je vous l'ai dit, c'est à
cette époque que l'on célèbre la fête du mid-winter qui marque le milieu de
l'hivernage. Ce que j'ignorais c'est qu'à Concordia, cette année, ce serait
aussi le mois des anniversaires. Après celui d'Emanuele samedi dernier, on a
fêté celui de Stéphane. Ambiance chaleureuse, menu XXL, repas succulent. Le
lave-vaisselle a fonctionné plein pot. Pour moi un gros bémol, j'étais
de service !
13 juin 2005 : Les travaux d'aménagement intérieur se poursuivent. Au programme de la semaine figurent l'installation dans mon laboratoire d'une série de prises de courant murales par Jef, la mise en route du système de refroidissement du circuit de recyclage de l'eau, la pose du revêtement de sol dans l'atelier par Stéphane et Jean. Enfin, une tâche de la plus haute importance : la réalisation minutieuse et précise d'un grand inventaire qui nous permettra de dresser une liste exhaustive de tout le matériel à prévoir pour le prochain hivernage.
17 juin 2005 : Brusquement la
météo a fait des siennes. Le thermomètre a réalisé une ascension
impressionnante jusqu'à - 37°C, accompagné d'un petit vent de 4 m/s et d'un
ciel plus ou moins brumeux. Ce n'est pas l'idéal pour mes observations.
Emanuele s'est préparé pour aller faire son échantillonnage de neige de
surface et je l'ai suivi. Nous sommes sortis vers 10 h 30, il faisait vraiment
très doux. Tout d'abord, un petit tour vers son laboratoire afin de vérifier
le fonctionnement des pompes à air, de changer certains filtres, puis direction
le premier point d'échantillonnage qui se trouve au sud de la construction. Au
bout de quelques mètres, nous nous sommes aperçu qu'au lieu des
congères habituelles, il y avait, jonchant le sol de toutes parts, de drôles
de boules de cristaux de neige de 4 à 6 cm de diamètre. J'en ai pris une dans
ma main. Sa structure ressemblait à du coton ou de la "barbe à papa",
elle était très légère et vide à l'intérieur. C'était la première fois
que j'observais ici un tel phénomène.
18 juin 2005 : Christophe lit le
menu pour ses invités, il fête aujourd'hui ses 35 ans. Je vous l'avais bien
dit, ici juin c'est le mois des anniversaires.
Jean-Louis a mijoté un repas à
la hauteur de l'évènement, couronné par un magnifique gâteau à la mousse de
banane et au chocolat. Mais où a-t-il pu dénicher des bananes ? Figurez-vous
qu'il avait tout prévu depuis la campagne d'été, et qu'il avait mis de côté
les ingrédients nécessaires dans son congélateur spécialement pour l'occasion. Christophe étant un
amateur
reconnu de cacao, les copains lui ont bricolé un joli modèle réduit de la
base Concordia recouvert de chocolat.
![]() |
![]() |
![]() |
En son honneur, la musique bat son plein et, entre deux danses, on a pu admirer par la fenêtre un mystérieux décor fait de formes sombres, de neige et de congères, éclairé par un immense disque lunaire.
19 juin 2005 : A Concordia il
suffit d'un entrebâillement intempestif sur l'extérieur et c'est la
congélation assurée, mésaventure que nous avons eu à déplorer ce week-end.
Dans la base, nous disposons d'un magasin dans lequel Jean-Louis stocke les
produits frais, ou plutôt ce qu'il en reste:
pommes
qui se dessèchent, fromage, oignons, boissons... La température ambiante du
local étant trop élevée, l'équipe technique a installé un ventilateur qui
permet l'introduction d'air frais du dehors. Bien sûr, l'installation est bien
contrôlé, équipé d'un système d'obturation qui ne laisse pénétrer que le nécessaire.
Par malheur, le vent a tourné et a soulevé les volets qui sont restés ouverts
pendant plusieurs heures. Je vous laisse imaginer la suite : bouteilles
éclatées, majeure partie des produits recongelée...
20 juin 2005 :
C’est mon premier hivernage et je
suis novice en ce qui concerne les fêtes de la Mid-Winter, cette tradition qui
est suivie sur l’ensemble du continent Antarctique et à l’occasion de
laquelle des vœux sont envoyés dans les différentes bases. Le 21 juin, jour
du solstice d’hiver, est considéré comme la date officielle qui marque le
milieu de l’aventure polaire. La préparation des festivités débute par le
choix d’un thème, ensuite une liste de distractions diverses, jeux, chants…
est dressée. Le décor aussi va être revu, apportant la couleur qui manque
tant. A Concordia, notre groupe s’est divisé en sous-groupes qui prendront en
charge l’organisation des multiples divertissements. Depuis quelques temps déjà
Stéphane, Jean, Michel, Jean-François et Emanuele, dans le plus grand secret,
échafaudent les plans d’une nouvelle décoration pour le séjour et nous
devons imaginer et confectionner notre déguisement qui sera dévoilé au moment
opportun lors du Carnaval. Bref, chacun s’active avec fébrilité et de façon
très énigmatique.
L’équipe technique sous la direction de Stéphane a transformé le séjour en un grand chantier. Interdiction d’y pénétrer ! Jean-Louis aussi a abaissé les rideaux sur les portes de sa cuisine mais il n’a pas pu empêcher les odeurs qui sont pour nous de précieux indices, de s’échapper. De lèvre en lèvre le même mot revient : le César de Concordia. Il sera attribué à celle ou celui qui remportera le maximum de points au cours des jeux organisés pour l’occasion.
Pour moi, une autre question se pose : est-ce que je vais continuer à laisser tourner mes instruments d’observation pendant cette période ? Il y a un peu de vent, c’est l’arrivée de l’hiver, et j’ai bien compris que personne ne pourra m’accompagner pour le contrôle de mes installations. De plus, comme Christophe, je n’ai pas eu le temps de préparer quoi que ce soit pour mon déguisement. Et pourquoi pas 4 jours de repos ? Après plus de 7 mois de travail sans relâche, il me semble que c’est mérité, je dois y réfléchir ! La décision fut prise aujourd’hui, lors de ma sortie avec Emanuele pour l’entretien de mes instruments : je vais leur accorder 3 jours de congé.
Le Chef de la mission a solennellement déclaré ouverte la fête de Mid-Winter.
|
|
|
|
Un programme des
festivités sous forme de livret regroupant l’ensemble des activités, les
différents menus festifs et orné des photos des 13 hivernants est proposé au
public enthousiaste. |
||
![]() ![]() |
Le Comité d’organisation explique les règles des jeux et présente le tableau où seront comptabilisés les points obtenus par chacun.
Le soir même a eu lieu le défilé pour l’élection de Miss Concordia. Sans l’accord des "participantes", je ne donnerai aucun commentaire mais je peux dire néanmoins que le spectacle et les tenues étaient à la hauteur et que le jury a élu sa Miss Concordia à l’unanimité.
La soirée s’est poursuivie jusqu’au petit matin (enfin, façon de parler) au son d’une musique endiablée, pendant qu’un groupe dont je faisais partie, s’est mystérieusement éclipsé pour sacrifier à une autre tradition de l’hivernage : le rasage de crâne, rite particulièrement apprécié pour son côté pratique.
22 juin 2005 : Tout au long de ces journées se déroule
un jeu proposé par Guillaume et Pascal
sur le principe du film
Thing. Au départ
un ou deux occupants de la base sont infectés par un virus virtuel. Le virus se
propage d’une personne à une autre après un rapprochement d’environ 5
minutes sans la présence d’une tierce personne saine. Le but est de marquer
le plus de points possible en contaminant les autres lorsque l’on est soi-même
atteint. Un bilan de la situation est fait au moment des repas au cours desquels
on doit voter pour désigner ceux qui sont supposés être infectés. Pour se
faire décontaminer ? Boire la solution miraculeuse délivrée par le médecin
de la base qui va sauver Emanuele et bien d'autres.
Aujourd’hui, le réveil a été très difficile. Le programme a dû être
modifié à cause d’une météo fort peu clémente. Les activités extérieures
sont donc reportées et remplacées par une kermesse. Parmi les distractions
proposées : la dégustation de boissons préparées par Stéphane. Le but
est d’en deviner la composition. Jean qui a adoré ce stand revenait assez
souvent pour tenter sa chance.
![]() |
La veillée s’est poursuivie avec un jeu
de loto organisé par Stéphane, Jean et Christophe. Les gains représentaient
autant de points acquis dans la course au César de Concordia 2005. Puis la
piste de danse a été envahie jusqu’à une heure tardive.
23 juin 2005
: Au programme aujourd’hui :
jeux à l’extérieur, soirée Marins/Pirates, et, au menu, moules/frites.
Quand Claire et Roberto, les organisateurs de ces activités, nous ont annoncé
le programme, je me suis précipité pour aller couvrir mon crâne rasé de tous
les bonnets que j'ai pu trouver, et en route pour la course à la brouette, la pyramide humaine et le
concours de la plus belle sculpture de glace ! A la Mid-Winter on ose même
braver les
– 60°C hivernaux. Un bon bol d’air frais
et vite, retour à la base !
Au moment de l’apéro, Claire et Michel Munoz, sous le regard ébahi des marins et pirates de l’Antarctique, se sont lancés dans un spectacle de clowns. |
Puis Guillaume est arrivé dans son habit de requin... |
|
Le jeu de Pictionnary a enflammé la soirée. Deux équipes
se sont affrontées. La bataille est rude, chacun veut gagner à tout prix, mais les rires joyeux sont toujours de la partie et tout finit par de la musique et des danses.
24 juin 2005 :
La fatigue commence à
se faire sentir. Dans l’après-midi, grande partie de jeu de l’oie, fabriqué
maison, sanctionnée par des gages obligatoires qui n’épargnent personne.
Ensuite, le temps est venu de faire le décompte
des points de chacun afin que le jury désigne le grand vainqueur, celle ou
celui qui allait remporter le Premier César de Concordia 2005
Et le vainqueur est : JEAN !
|
Le jury délivre également un prix exceptionnel au Chef pour l’ensemble de son œuvre, l’excellence de ses préparations et la précision de son organisation au cours de cet intermède mémorable. |
![]() |
Photo de groupe "Mid-Winter 2005" prise devant la station |
28 juin 2005 : Les vacances se sont
envolées, il faut maintenant se remettre au travail. Depuis quatre jours,
j’ai pratiquement arrêté mes mesures sans aucun regret car le temps ne se prêtait
vraiment pas aux observations astronomiques. Mais la mécanique est contrariante
et pendant deux jours j’ai dû démonter et remonter
les moteurs. Les deux télescopes
s’arrêtent ou dépointent automatiquement. Une fois de plus, le froid a brûlé
mes joues et j’ai l’air d’un clown comme si je voulais prolonger la
Mid-Winter. Malheureusement, mon problème n’est toujours pas résolu.
J’ai envisagé plusieurs diagnostics et j’ai décidé, dans un premier temps, de changer les circuits des contrôleurs de moteur (par chance, j’en ai quelques uns en stock). Christophe m’a accompagné pour aller récupérer l’électronique des moteurs et j’ai pu, par la suite, faire le changement des circuits. Puis, en route pour aller tout remettre en place ! Cette fois-ci, c’est Roberto qui m'escorte après sa séance de sport. Bien installé dans l’igloo, il a sorti un livre pour passer le temps pendant que je m’affaire autour des télescopes. Je ne suis pas vraiment certain du résultat et, après plusieurs essais, c’est avec un grand sourire que j’ai fait face à Roberto pour lui dire que tout fonctionnait à nouveau parfaitement. Nous étions contents. C’est alors que je me suis rendu compte qu’il était entrain de lire "the thing". Rien qu’en pensant à l’histoire, je n’ai vraiment pas eu envie de prolonger davantage notre échappée loin des bâtiments protecteurs de la base. Nous continuerons de nous réjouir à l'abri.