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Qu'est-ce que la turbulence?
La turbulence fait partie de l'expérience quotidienne: nul microscope ou télescope ne sont nécessaires pour observer les volutes de la fumée d'une cigarette, les gracieuses arabesques de la crème versée dans le café ou les enchevêtrements de tourbillons dans un torrent de montagne. Le mot ``turbulence'' désignait d'abord les mouvements désordonnés de la foule (latin: turba), puis les tourbillons de feuilles ou de poussière. Depuis Léonard de Vinci (vers l'an 1500) le terme a pris l'acception moderne de ``mouvements désordonnés et chaotiques de l'air ou de l'eau''.
La turbulence intervient dans les situations les plus diverses: mouvements de l'atmosphère et prévisions météorologiques, formation des galaxies dans l'Univers primitif, évacuation de la chaleur produite par les réactions nucléaires à l'intérieur du Soleil, écoulements autour des automobiles, des bateaux et des avions, écoulements sanguins dans les artères et le coeur, etc. Il s'agit donc à la fois d'un sujet très fondamental, intéressant les mathématiciens, les physiciens et les astronomes et d'un sujet aux nombreuses ramifications pratiques en météorologie, ingénérie, médecine et même en finance (les techniques d'analyse et les modèles utilisés pour étudier les tourbillons dans une soufflerie sont parfois réutilisés pour les fluctuations des marchés boursiers).
Les plus grands noms de la Mathématique, de la Physique et de la Mécanique ont essayé d'élaborer une véritable théorie de la turbulence, ce qui permettrait de mieux la contrôler, voire de l'éviter presque complètement (comme le font instinctivement les dauphins dont il sera beaucoup question à la Conférence). Bien que les équations soient connues depuis près de deux siècles, les progrès dans la compréhension de la turbulence sont très lents et cela malgré des efforts de nombreux théoriciens, expérimentateurs et numériciens (voir la fiche ``La turbulence, l'astronomie et le calcul scientifique''). Une théorie approchée a été développée par le mathématicien russe Andrei Kolmogorov dans les années quarante. Elle présente avec les données expérimentales et numériques des écarts petits mais mesurables et se manifestant sous forme ``d'intermittence'': les petits tourbillons sont, en termes relatifs, beaucoup plus rares que les grands et viennent par paquets ``fractals'', un peu comme les ramifications d'un brocoli.
Cette intermittence vient pour la première fois d'être expliquée dans le cas particulier d'un polluant entraîné par un écoulement turbulent, et cela grâce à une collaboration de scientifiques américains, finlandais, français, israeliens, italiens, polonais et russes. Ce progrès a été rendu possible par l'application d'outils théoriques empruntés à la physique des particules, dont les prédictions ont été validées par des calculs numériques ``extrêmes''. Ce sera un des thèmes chauds de la Conférence.