25/11/2006 : Il pleut à Nice …

Je devais partir de Nice le 2 décembre, prendre le bateau 'Astrolabe' à Hobart (Tasmanie) et passer par la station française Dumont d'Urville, mais l'Astrolabe est tombé en panne une dizaine de jours avant la date de mon départ.

Nice – Dôme C par Terra Nova Bay

La durée des réparations n'étant pas connue, il fallait choisir l'itinéraire 'italien', c'est à dire passer par la station Mario Zucchelli à Terra Nova Bay,  et donc avancer mon départ d'une semaine. L'itinéraire de mon voyage était le suivant  : Nice – Paris – Hong Kong – Auckland – Christchurch – Terra Nova Bay et ... Dôme C. J'ai évité le mal de mer, mais je n'ai pas vu de manchots!

Il pleuvait à Nice le jour de mon départ! Beaucoup d'émotions au moment de rentrer dans la salle d'embarquement. On découvre ce jour là qu'une mission d'un an en Antarctique n’est pas une mission ‘classique’ !

Nous étions 6 français à voyager pour l'Antarctique. On devait se rencontrer à Paris mais comme on ne se connaissait pas, la rencontre eut lieu dans l'avion qui nous menait de Hong-Kong à Auckland. Parmi les 6 personnes qui se rendaient en Antarctique, 4 devaient rejoindre Dumont-d'Urville (dont deux hivernants: Fred et Nicolas) et 2 (Eric et moi) le Dôme C.

La police des frontières d'Auckland s'étonnait de voir débarquer en Nouvelle Zélande six français sans billets de retour! Nous pensions qu'ils avaient l'habitude de voir passer des hivernants pour l'Antarctique qui donc voyagent sans billets de retour et sans visas de long séjour, mais visiblement ceux qui étaient en service ce jour là n'étaient pas au courant des modalités des voyages vers l'Antarctique. Nos ordres de mission rédigés en français ont sûrement aidé à débloquer la situation, car les policiers néo-zélandais ont fini par nous laisser passer.

LC-130 Hercules : First Class

Alors qu'on se dirigeait vers le terminal 'domestic flights' pour prendre l'avion de Christchurch, on s'est aperçu que notre ami Nicolas n'était pas avec nous. La douane néo-zélandaise, ayant remarqué son look “les vieilles charrues” et sa guitare en bandoulière, voulait en savoir plus sur le contenu de ses bagages. Notre inquiétude résultait plus du souci de rater notre correspondance, que du résultat de la fouille approfondie subie par notre ami! Au bout d'une demi-heure, on vit arriver Nicolas pestant, en français, contre ces douaniers trop curieux!

Arrivés à Christchurch, nous étions pris en charge par nos collègues italiens dans les locaux de l'Antarctic Center où se trouve la logistique du PNRA qui assure le transport vers la station Mario Zuchelli située dans la baie de Terra-Nova. Après une nuit passée à l'hôtel près de l'aéroport, et après avoir récupéré nos tenues polaires, nous avions pris un avion cargo LC-130 Hercules en compagnie de quelques collègues italiens. En tenues polaires (rouge pour les italiens, bleues XXL pour les français) malgré la chaleur, nous avons embarqué, avec nos bagages et le fret, dans la cabine de l'avion qui n'a rien à voir avec celle d'un avion de ligne.

La cabine n'est pas pressurisée, mais elle est légèrement chauffée. Le bruit des moteurs est assourdissant!

Le voyage dure 7 h environ. A mi-chemin, on oublie tout devant le paysage fantastique qui s'offrait à nous. Les hublots étaient pris d'assaut par la vingtaine de passagers. Il faisait beau. C'était féerique! 3 h de pur bonheur!

 

 

28/11/2006 : Bellisima Terra Nova …

L'arrivée dans la baie de Terra Nova fut tout aussi merveilleuse. Après avoir survolé le Mont Melbourne qui culmine à plus de 2000 m, l'avion atterrit sur la banquise. Il ne faisait pas très froid, autour de -5 °C. Nous étions pris en charge par le personnel italien de la station Mario-Zuchelli. Une trentaine de personnes travaille dans cette station qui ne fonctionne que durant  l'été.

J'ai eu la surprise de croiser deux collègues du laboratoire d'Astrophysique de Nice. Ils revenaient du Dôme C. Fix revenait d'une campagne d'été tandis que Eric Aristidi finissait son hivernage à Concordia. Je vais lui succéder pour  le 3ème hivernage. Nous avons eu le temps de discuter une demi-heure avant qu'ils n'embarquent dans le LC-130 en direction de Christchurch.

Je devais partir le lendemain au Dôme C, mais les conditions météo n'autorisaient pas le vol du Twin-Otter (un avion à ski qui fait les liaisons entre les stations Terra Nova, Dumont d'Urville, Mc Murdo et Dôme C). Je suis resté 3 jours en compagnie de mes collègues français, bénéficiant de l'hospitalité de nos collègues italiens et profitant de la beauté du site pour faire quelques ballades. Il n'y a malheureusement pas de manchots dans les environs de cette station.

2/12/2006 : Le plat pays qui sera le nôtre …

Le 2 décembre, les conditions météo étaient idéales. J'embarque dans le Twin-Otter, en compagnie de Gianfranco (médecin) et de Michela (secrétaire), pour le Dôme C. Le Twin-Otter est un petit avion qui ne peut transporter qu'une tonne (passagers + bagages + fret). Pour parcourir la distance Terra Nova – Dôme C, qui est d'environ 1000 km, il doit s'arrêter à mi-chemin pour refaire le plein. Cet endroit s'appelle le 'Mid-Point'. Il se trouve à mi-chemin entre Terra Nova et le Dôme C. Des bidons de carburant y sont entreposés.

L'avion s'arrête une dizaine de minutes, le temps nécessaire au pilote et au co-pilote pour faire le plein. Les passagers descendent généralement pour admirer le paysage. L'endroit est un peu venté et il y fait très froid!. 

Le voyage Terra Nova - Dôme C dure environ 5h. On survole des chaînes de montagnes dans la première partie du voyage. Le paysage est plus plat dans la deuxième partie, mais des figures tracées par le vent sur la neige rendent le paysage très beau.

Dès l'amorce de la descente du Twin-Otter, on aperçoit les bâtiments caractéristiques de la base Concordia ainsi que le tracé de la route qu'emprunte les tracteurs du Raid pour faire le trajet Dumont d'Urville – Dôme C – Dumont d'Urville. Le comité d'accueil de Concordia est là.

Je retrouve mes collègues Karim et Franck. Il fait un temps magnifique, une température de l'ordre de -30 degrés. Karim me fait une visite guidée de la Station, que je trouve très agréable. L'ambiance est sympa. J'ai retrouvé cinq de mes collègues hivernants : Christophe, Federico, Maurizio, Alessandro et Pietro. Le reste de l'équipe arrivera début janvier.

3/12 – 12/12/2006 : Confortable Concordia …

Première impression : Le confort. Concordia est une station très confortable ! Deuxième impression : On s'essouffle très vite. Le Dôme C est situé à environ 3300 m d'altitude, mais la pression atmosphérique de l'ordre de 650 hPa correspond à une altitude de 3800m. L'air est sec. La consigne est de ne faire aucun effort et de reposer pendant 48h pour permettre au corps de s'acclimater. On se sent bien à Concordia.  Dans le bâtiment “calme” se trouve un hôpital, super équipé; au deuxième niveau : les chambres. Il y en a 16. Elles sont individuelles en hiver et partagées pendant la campagne d'été. Karim 'a réservé' la chambre No15 avec vue sur la plate-forme AstroConcordia. Je partagerai cette chambre avec lui jusqu'à son départ prévu le 2 janvier 2007. Au dessus de notre chambre se trouve notre laboratoire. Au premier niveau du bâtiment “bruyant” se trouve des locaux techniques, au deuxième niveau une magnifique salle de sport avec tout ce qu'il faut comme appareil pour s'entretenir et une salle vidéo qui sert aussi de salle de conférence. La cuisine, le restaurant et la bibliothèque occupent le niveau 3 de ce bâtiment. Les étagères de la bibliothèque sont bien remplies : De la littérature francophone et quelques livres en anglais. Très peu de livres italiens. Un baby-foot et un magnifique billard sont également installés dans cette salle.

& Originale AstroConcordia …

Après 48 h de repos, je rejoins mes collègues Karim et Franck dans leurs préparatifs des expériences que j'aurai à mener pendant l'hivernage. Karim m'initie au fonctionnement du DIMM (Differential Seeing Monitor) et du GSM (Generalized Seeing Monitor). Ces deux expériences permettent de déterminer les paramètres de la turbulence atmosphérique. Elles 'tournent' en continu pendant deux ans. Je connaissais déjà les principes de fonctionnement de ces deux expériences, mais pas les logiciels qui les font “tourner”. Les expériences sont contrôlées à distance depuis le laboratoire qui se trouve dans Concordia. La plate-forme AstroConcordia est distante d'environ 300 m de la Station. On doit intervenir régulièrement (au moins une fois par jour) pour dégager les câbles qui s'enroulent autour des télescopes car ces derniers 'suivent' le mouvement apparent des étoiles observées.

Le télescope SSS (Single Star Scidar) est déjà installé au niveau du sol pour s'affranchir des vibrations de la plate-forme AstroConcordia. Franck a passé plusieurs heures, l'oeil à l'oculaire pour le réglage de la mise en station. Il doit faire des observations à des instants précis qui dépendent de la position des étoiles observées. Il lui arrive de rater les repas si l'étoile choisie pour faire le réglage 'transite' vers midi ou vers 19h. Quand c'est le cas, les chefs (Jean-Louis et Loïc) qui connaissent les habitudes particulières des astronomes lui gardent toujours son repas au chaud.

Franck, toujours lui, s'est attaqué au réglage de la mise en station du télescope MOSP - PAIX. Ce télescope a été installé au niveau du sol, toujours pour éviter les vibrations de la plate-forme. A la demande de Karim, Lucciano nous a fabriqué une belle caisse en bois qui abritera les systèmes de commandes de ce télescope et ceux de la WebCam. Cette caisse est calfeutrée pour que les instruments installés à l'intérieur restent au chaud. Nous avons été obligé de prévoir une ouverture supplémentaire, car les mesures de température à l'intérieur ont montré qu'il y faisait trop chaud quand les ordinateurs de MOSP-PAIX et de la WebCamsont allumés. Karim a fabriqué un système de contrôle de température qui permet d'arrêter éventuellement les ordinateurs à distance si la température dépasse un seuil critique. Nous coattaquons le réglage de la caméra d'acquisition de SSS.

15/12/2006 : La vie est un miracle …

Un événement à Concordia! Un skua est arrivé jusqu’à la base. Cet oiseau vit près de la côte. Il a du parcourir plus de 1000 km pour arriver jusqu’ici. Ces oiseaux suivent généralement le RAID (traverse en tracteurs de Dumont d’Urville jusqu’à Dôme C), mais ne s’aventurent pas trop loin dans le continent. Comment a-t-il pu arriver jusqu’au Dôme C? Il est interdit de le ravitailler. Le lendemain, il était toujours là, mais a disparu après.

17/12/2006 : Portes ouvertes à AstroConcordia …

Franck a eu une excellente idée. Il a invité tout le personnel de la Station à une visite  guidée de AstroConcordia. Les visiteurs ont eu droit à des observations des taches solaires, de Jupiter, de Vénus, de la Lune et … de Canopus. Tout cela en plein jour ! Karim a présenté la partie scientifique des expériences.

Nous amis ont été surpris de voir la qualité du ciel coronal du Dôme C. Très grand succès !

19/12/2006 : La grotte givrée…

La grotte EPICA présente un double intérêt. Scientifique d’abord, parce que c’est là ou sont stockées une partie des carottes de glaces du programme EPICA (European Project for Ice Coring in Antarctica) qui a permis de retracer les variations du climat en Antarctique sur une période d'environ 800 000 ans, esthétique ensuite parce que sur les parois de cette grotte se sont formés de très beaux cristaux de glace. Cette grotte se trouve à 3m environ sous le sol. Elle est fermée pendant l’hiver. La température est d’environ -50 degrés.

22/12/2006 : Une journée avec Hélène ... et les glaciologues du LGGE

Hélène, Eric et Laurent sont des glaciologues du LGGE (Grenoble). Avec Franck, nous avons voulu en savoir un peu plus sur leurs activités scientifiques  à Concordia. Ils ont bien voulu qu'on les accompagne lors d'une de leurs sorties quotidiennes.

Les études menés par l'équipe de Glaciologie du LGGE à Grenoble concernent principalement la structure de la neige de surface ainsi que la structure de la glace jusqu'à des profondeurs de 120 m. Le but est de mieux comprendre l'état de départ qui régit les mécanismes de densification successifs permettant à la neige de se transformer en névé puis en glace. Cela permet de comprendre le 'close-off' qui correspond au moment ou les bulles sont enfermées dans la glace.

Pour l'étude de la neige de surface plusieurs expériences sont utilisées. La photographie infrarouge permet l'étude de la surface spécifique des grains (paramètre géométrique de la neige). Des échantillons de neige sont également imprégnés de diéthylphtalate afin de pouvoir les usiner comme de la glace pour ensuite les observer à la binoculaire en épiscopie coaxiale. Sont également effectués, des mesures de densité en continu  sur 2m de profondeur, des prélèvements de neige en vue de mesures chimiques, des mesures laser pour avoir accès à la taille des grains et à la densité. Une stratigraphie manuelle (observation des couches de neige à l'oeil nu) ainsi qu'une stratigraphie au Snow Micro Pen (instrument équipé d'une tige pénétrant dans la neige à vitesse constante et relevant les différentes forces nécessaires pour casser les grains) sont réalisés sur chaque puits étudié. Quatre puits sont réalisés au cours de la saison (été) pour voir l'évolution temporelle de la structure de la neige.

En ce qui concerne les échantillons de glace, les études portent sur une carotte datant de 2004 ainsi que sur un carottage de 21 m réalisé cette année. L'épiscopie coaxiale réalisée sur des échantillons  de ces carottes permet d'avoir accès à la taille et à la forme des cristaux ainsi qu'à la porosité. Des mesures de température sont en cours (toute l'année) dans un trou de forage de 21 m.  Une mesure d'accumulation a été installée près de la zone des puits étudiés. Des mesures au Snow Micro Pen sont  effectuées sur un carré de 2m par 2m tout au long de la saison (été)  pour voir la variabilité temporelle. Des  mesures à 4 km de la base sur une surface de 1km2 permettent  l'étude de la variabilité spatiale.

23/12/2006 : Au feu !
Régulièrement, une fois par mois, est programmé un exercice de simulation d’un incendie à l’intérieur de la station Concordia. L’équipe d’intervention, composée d’anciens et de nouveaux hivernants doit faire comme si l’incendie est réel. Dès l’activation de l’alarme incendie, chacun doit être à son poste avec une tâche bien définie. Celles et ceux qui ne font pas partie de l’équipe d’intervention doivent évacuer  la base le plus rapidement possible en tenue polaire. Tout le monde doit se regrouper à environ 20 m de la Station. Michella, notre secrétaire, doit avoir  la liste de tout le personnel présent dans la station et faire l'appel.  On attend ensuite, la fin de l’exercice avant de  rejoindre la base.

24/12/2006 : Noël à Concordia ...

A Concordia, toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête. Cette année, le Père Noël est venu avec plein de cadeaux. La distribution a eu lieu dans le salon décoré comme il se doit. Les chefs Jean-Louis et Loïc nous ont préparé un repas gastronomique.

25/12/2006 : Concordia Beach …
Régulièrement, le fondoir qui sert de réserve d'eau est vidé et nettoyé. Nous en profitons de temps en temps pour le transformer en .. piscine. On chauffe l'eau à environ 40 degrés et on s'y baigne, alors que la température autour de nous est au plus égale à -30 degrés. On peut même sortir de l'eau  et rester dehors environ 2 ou 3 minutes sans avoir froid, sauf  aux pieds, si on est pieds nus.

28/12/2006 : ASTEP Place …
ASTEP est une expérience de recherche de planètes extra-solaires par la méthode des transits. Elle sera installée l'année prochaine. Pour gagner du temps, nous avons décidé d'installer le pilier qui supportera le télescope dès cette année. Il sera installé près de la plateforme AstroConcordia à environ 30 m du 'Shelter'. Lucciano, Luigi et Claire nous ont aidé à préparer la plateforme, à transporter et à installer le pilier. Karim et Franck ont beaucoup creusé!