Les mesures 4.5.3 Analyse de la série du CERGA 4.5 L'astrolabe
Il a déjà été vu que la latitude héliographique du diamètre observé change durant l'année, à cause de l'inclinaison de l'orbite de la Terre sur le plan de l'écliptique et de l'inclinaison de l'axe de rotation solaire. Une observation méridenne couvre donc les latitudes héliographiques comprises entre 30. L'utilisation de plusieurs prismes permet de faire des mesures à différentes hauteurs le matin et l'après-midi et donc de couvrir toutes les latitudes. Cependant, le lieu géographique d'observation entre lui aussi en ligne de compte. Ainsi au CERGA, il est possible d'observer entre 15 et de latitude. Les mesures correspondant à des observations de diamètre pour des latitudes inférieures à 15 sont très rares et demanderaient l'utilisation d'un prisme supplémentaire. Elles ne sont donc pas faites.
L'étude de l'écart au diamètre moyen (ramené à environ 50 de distance zénithale) en fonction de la latitude révèle l'existence d'une relation non triviale entre diamètre et latitude. Il s'avère en effet que l'écart atteint un maximum de 0,04" environ autour de 50 de latitude héliographique et un minimum de -0,07" autour de 70-80 de latitude. L'écart est pratiquement nul aux pôles et à 30 de latitude. La figure 4.8 montre ces variations, les mesures individuelles ayant été pondérées par leur barre d'erreur. Laclare et al. (1996) n'interprètent pas ces variations en terme de changement dans la forme du Soleil, parce qu'ils estiment que la qualité des mesures est limitée et qu'elles ne sont pas simultanées. Il est cependant possible de faire quelques remarques.
D'abord, les variations sont à peu près constantes en fonction de la période du cycle solaire. La figure 4.9 représente les variations temporelles de l'écart au diamètre moyen pour 5 tranches de latitude héliographique. Pour chacune de ces tranches, seul le point correspondant aux mesures faites entre 1978 et 1980 semble avoir une valeur bien différente des autres. Cela peut être dû au nombre plus faible de mesures et à l'utilisation de 3 prismes qui réduit l'intervalle d'observation sur l'année. Les autres points sont en bon accord avec la tendance générale donnée par la figure 4.8. Par exemple, pour des latitudes comprises entre 30 et 45, l'écart au diamètre moyen est systématiquement plus grand quelque soit la période du cycle (minimum ou maximum de l'activité). Pour les latitudes supérieures à 75, la dispersion est plus grande, probablement parce que le nombre de points de mesure pour ces latitudes est plus faible que pour les autres (figure 4.10). Une comparaison avec les mesures faites à l'astrolabe de l'Observatoire Abrahão de Moraes à Valinhos (Brézil, voir Leister et Benevides-Soares 1990) est en cours de réalisation, qui permettra de confirmer ou d'infirmer ces variations du diamètre en fonction de la latitude.
Au chapitre 2, nous avions vu que le nombre de points brillants par unité de surface variait avec la latitude héliographique (figure 2.13) : les points brillants de la zone méridienne solaire sont plus nombreux aux pôles qu'à l'équateur et atteignent un minimum entre approximativement 20 et 40 de latitude, avec un petit pic quand même près des latitudes correspondant aux zones de localisation des régions actives (vers 30). Etant donné que la comparaison se fait avec l'écart au diamètre moyen, il aurait été préférable de savoir si cette dépendance du nombre de points brillants avec la latitude est uniforme sur toutes les longitudes ou pas. Nous avions aussi vu que le nombre de points brillants par unité de surface était anticorrélé avec le cycle solaire. Si une décroissance du nombre de points brillants est liée à une décroissance des champs magnétiques forts, alors ces derniers ne perturbent plus les petits tubes du flux restant qui peuvent s'étendre et occuper plus de place puisqu'ils sont moins concentrés. Cette hypothèse serait corroborée par Kariyappa et Pap (1996) qui trouvent que l'aire des éléments du réseau est anticorrélée avec leur intensité. Si l'aire des points brillants cro^t lorsque l'activité solaire diminue, alors il se pourrait que cette augmentation corresponde à une dilatation globale de la zone de convection ou peut-être uniquement de l'enveloppe externe.
La figure 4.11 montre quant à elle une intéressante corrélation entre l'opposé de l'écart au diamètre moyen et l'excès de température mesuré près du limbe dû aux facules et dû à la contribution du flux ne provenant pas des facules mais probablement du réseau actif. Ces mesures ont été faites par Kuhn et al. (1985) (voir aussi Kuhn et Libbrecht (1991), Kuhn et al. (1988)). Utilisant le ``Solar Distorsion Telescope'', originellement conçu pour mesurer l'aplatissement du Soleil, Kuhn et al. ont mesuré le flux du limbe sur les 20 dernières secondes d'arc du disque (cette mesure a été rendue possible par l'utilisation d'un disque d'occultation) en fonction de la latitude héliographique. En faisant la différence entre deux signaux de flux obtenus dans deux couleurs différentes, ils expriment leurs données comme un excès de température d'un corps noir équivalent en fonction de la latitude solaire. L'instrument permet de séparer les contributions provenant de la réfraction dans l'atmosphère et de l'aplatissement du signal provenant du flux. Durant une saison d'observation ils font à peu près 10000 intégrations de 6 minutes ce qui rend l'incertitude statistique des mesures faible. Ils séparent ensuite les données en une composante dite faculaire et une autre dite de température. Sur chaque point du limbe, la fonction de distribution montre en effet deux parties : la première est approximativement une gaussienne de moyenne la valeur de l'excès de température effective ; la seconde est une sorte de large traine pour des températures plus élevées qui peut être associée au passage des facules sur le limbe. Le signal faculaire, extrait de la distribution, est dans une large mesure confiné près des zones de localisation des régions actives (entre 15 et 30 de latitude). Le signal d'excès de température effective montre un maximum près des hautes latitudes et un autre vers les zones de localisation des régions actives. Ribes et al. (1991) ont associé cet excès de température à un déplacement équivalent du limbe solaire. Si le limbe se déplace effectivement ou si une température plus élevée implique une modification de la pente de la fonction d'assombrissement, alors il serait possible que les mesures du diamètre en soit affecté. Or, d'après la figure 4.12, l'opposé de l'écart au diamètre moyen ne montre pas de variations temporelles (ou pratiquement pas) alors que cela n'est pas le cas de l'excès de température. C'est particulièrement visible sur les données de 1989 et de 1990. On pourrait alors supposer que l'excès de température n'implique pas forcément un déplacement du limbe. Kunh et Libbrecht (1991) ne s'expliquent pas la différence qui existe près du pôle entre les données de l'excès en température de 1989-1990 et celles des années précédentes.
D'autres données, en particulier celles de l'expérience MDI (Michelson Doppler Imager) à bord du satellite SOHO (SOlar and Heliospheric Observatory), permettront de mieux comprendre les relations entre diamètre observé et forme géométrique du Soleil.
vig@