Il a déjà été vu que la latitude héliographique du diamètre
observé change durant l'année, à cause de l'inclinaison de l'orbite de la
Terre sur le plan de l'écliptique et de l'inclinaison de l'axe de rotation
solaire. Une observation méridenne couvre donc les latitudes
héliographiques comprises entre
30
. L'utilisation de plusieurs
prismes permet de faire des mesures à différentes hauteurs le matin et
l'après-midi et donc de
couvrir toutes les latitudes. Cependant, le lieu géographique d'observation
entre lui aussi en ligne de compte. Ainsi au CERGA, il est possible d'observer
entre 15
et
de latitude. Les mesures correspondant à des
observations de diamètre pour des latitudes inférieures à 15
sont
très rares et demanderaient l'utilisation d'un prisme supplémentaire.
Elles ne sont donc pas faites.
L'étude de l'écart au diamètre moyen (ramené à environ 50 de
distance zénithale) en fonction de la latitude révèle l'existence d'une
relation non triviale entre diamètre et latitude. Il s'avère en effet que
l'écart atteint un maximum de 0,04" environ autour de 50
de
latitude héliographique et un minimum de -0,07" autour de 70-80
de
latitude. L'écart est pratiquement nul aux pôles et à 30
de
latitude.
La figure 4.8 montre ces variations, les mesures individuelles ayant
été pondérées par leur barre d'erreur. Laclare et al. (1996)
n'interprètent pas ces variations en terme de changement dans la forme
du Soleil, parce qu'ils estiment que la qualité des mesures est limitée et
qu'elles ne sont pas simultanées. Il est cependant possible de faire quelques
remarques.
D'abord, les
variations sont à peu près constantes en fonction de la période du cycle
solaire. La figure 4.9
représente les variations temporelles
de l'écart au diamètre moyen pour 5 tranches de latitude héliographique.
Pour chacune de ces tranches, seul le point correspondant aux mesures faites
entre 1978 et 1980 semble avoir une valeur bien différente des autres. Cela
peut être dû au nombre plus faible de mesures et à l'utilisation de 3
prismes qui réduit l'intervalle d'observation sur l'année. Les autres
points sont en bon accord avec la tendance générale donnée par la figure
4.8. Par exemple, pour des latitudes comprises entre 30 et 45,
l'écart au diamètre moyen est systématiquement plus grand quelque soit
la période du cycle (minimum ou maximum de l'activité). Pour les latitudes
supérieures à 75
, la dispersion est plus grande, probablement parce que
le nombre de points de mesure pour ces latitudes est plus faible que pour les
autres (figure 4.10).
Une comparaison avec les mesures faites à l'astrolabe de l'Observatoire
Abrahão de Moraes à Valinhos (Brézil, voir Leister et Benevides-Soares
1990) est en cours de réalisation, qui permettra de confirmer ou
d'infirmer ces variations du diamètre en fonction de la latitude.
Au chapitre 2, nous avions vu que le nombre de points brillants par unité de
surface variait avec la latitude héliographique (figure 2.13) : les points
brillants de la zone méridienne solaire sont plus nombreux aux pôles
qu'à l'équateur et atteignent un
minimum entre approximativement 20 et 40 de latitude, avec un petit
pic quand même près des latitudes correspondant aux zones de localisation
des régions actives (vers 30
).
Etant donné que la comparaison se fait
avec l'écart au diamètre moyen, il aurait été préférable de savoir
si cette dépendance du nombre de points brillants avec la latitude est
uniforme sur toutes les longitudes ou pas. Nous avions aussi vu que le nombre de
points brillants par unité de surface était anticorrélé avec le cycle
solaire. Si une décroissance du nombre de points brillants est liée à
une décroissance des champs magnétiques forts, alors ces derniers ne
perturbent plus les petits tubes du flux restant qui peuvent s'étendre et
occuper plus de place puisqu'ils sont moins concentrés.
Cette hypothèse serait corroborée par Kariyappa et
Pap (1996) qui trouvent que l'aire des éléments du réseau est
anticorrélée avec leur intensité. Si l'aire des points brillants
cro^t lorsque l'activité solaire diminue, alors il se pourrait que cette
augmentation corresponde à une dilatation globale de la zone de convection ou
peut-être uniquement de l'enveloppe externe.
La figure 4.11 montre quant à elle une intéressante corrélation
entre l'opposé de l'écart au diamètre moyen et l'excès de
température mesuré près du limbe dû aux facules
et dû à la contribution du flux ne provenant pas des facules mais
probablement du réseau actif. Ces mesures ont été faites par Kuhn et
al. (1985) (voir aussi Kuhn et Libbrecht (1991), Kuhn et al. (1988)).
Utilisant le ``Solar Distorsion Telescope'', originellement conçu pour
mesurer l'aplatissement du Soleil, Kuhn et al. ont mesuré le flux
du limbe sur les 20 dernières secondes d'arc du disque (cette mesure a
été rendue possible par l'utilisation d'un disque d'occultation) en
fonction de la latitude héliographique. En faisant la différence entre
deux signaux de flux obtenus dans deux couleurs différentes, ils expriment
leurs données comme un excès de température d'un corps noir
équivalent en
fonction de la latitude solaire. L'instrument permet de séparer les
contributions provenant de la réfraction dans l'atmosphère et de
l'aplatissement du signal provenant du flux. Durant une saison d'observation
ils font à peu près 10000 intégrations de 6 minutes ce qui rend
l'incertitude statistique des mesures faible. Ils séparent ensuite les
données en une composante dite faculaire et une autre dite de température.
Sur chaque point du limbe, la fonction de distribution montre en effet deux
parties : la première est approximativement une gaussienne de moyenne la
valeur de l'excès de température effective ; la seconde est une sorte de
large traine pour des températures plus élevées qui peut être
associée au passage des facules sur le limbe. Le signal faculaire,
extrait de la distribution, est dans
une large mesure confiné près des zones de localisation des régions
actives (entre 15 et 30
de latitude). Le signal d'excès de
température effective montre un maximum près des hautes latitudes
et un autre vers les zones de localisation des régions actives.
Ribes et al. (1991) ont associé cet excès de température à un
déplacement équivalent du limbe solaire. Si le limbe se déplace
effectivement ou si une température plus élevée
implique une modification de
la pente de la fonction d'assombrissement, alors il serait possible que les
mesures du diamètre en soit affecté. Or, d'après la figure
4.12, l'opposé de l'écart au diamètre moyen ne montre pas de
variations temporelles (ou pratiquement pas) alors que cela n'est pas le cas
de l'excès de température. C'est particulièrement visible sur les
données de 1989 et de 1990. On pourrait alors supposer que l'excès de
température n'implique pas forcément un déplacement du limbe. Kunh et
Libbrecht (1991) ne s'expliquent pas la différence
qui existe près du pôle
entre les données de l'excès en température de 1989-1990 et celles des
années précédentes.
D'autres données, en particulier celles de l'expérience MDI (Michelson Doppler Imager) à bord du satellite SOHO (SOlar and Heliospheric Observatory), permettront de mieux comprendre les relations entre diamètre observé et forme géométrique du Soleil.
vig@