Objectifs: Formation de structures à petite échelle dans les plasmas du vent solaire et de la magnéto-gaine terrestre
Dans un plasma tel la magnéto-gaine terrestre où le spectre des fluctuations s'étend jusqu'à des fréquences comparables à la fréquence de gyration des ions autour du champ magnétique ambiant, l'inertie des ions ne peut plus être négligée dans une loi d'Ohm généralisée et l'effet Hall doit être retenu. Les équations de la magnétohydrodynamique (compressible) ordinaire deviennent alors les équations de la Hall-MHD où les ondes d'Alfvén ont un caractère dispersif. L'effet Hall, en brisant le caractère gelé du champ magnétique, permet en particulier la pénétration de particules du vent solaire dans la magnétosphère. La magnéto-gaine est animé de mouvement turbulents dans lesquels ont été identifiés des ondes d'Alfvén. Les données récentes de CLUSTER ont en outre révélé la présence de structures magnétiques cohérentes en forme de tubes (O. Alexandrova et A. Mangeney, 2002).
Nous nous sommes attachés à analyser les structures à petite échelle pouvant se former lors du développement d'instabilités transverses d'ondes d'Alfvén dispersives et avons ainsi mis en évidence la présence de filaments magnétiques de forte intensité. Nous cherchons à en étudier l'impact sur un plasma turbulent.
Nous avons ainsi d'abord considéré le phénomène de collapse dans le cas d'ondes d'Alfvén de grande longueur d'onde. Dans ce cas un développement de perturbation réductif permet d'isoler la dynamique des ondes d'Alfvén. Nous avons établi les équations dites DNLS (pour derivative nonlinear Schrödinger) correspondantes et montré que la prise en compte du couplage aux champs moyens créés par les gradients transverses était nécessaire pour décrire l'instabilité de filamentation. L'intégration numérique de ces équations met en évidence un violent collapse des ondes d'Alfvén de faible amplitude, comme prédit par le formalisme d'enveloppe. Dans le cas d'une onde de plus forte amplitude (qui ne relève donc pas du formalisme d'enveloppe), la dynamique est au contraire gouvernée par la formation de forts gradients, avec une intensification seulement modérée de l'amplitude de l'onde (Laveder et al. 2001).
Nous avons repris le problème par simulation numérique des équations primitives de la Hall MHD sans aucune modélisation asymptotique. Nous avons ainsi obtenu pour la première fois une évidence directe du phénomène de filamentation en considérant un domaine de calcul périodique n'incluant qu'un nombre modéré de longueurs d'onde dans la direction longitudinale. Pour une telle configuration (pouvant être adaptée aux conditions des dispositifs expérimentaux), des amplifications locales de plus de deux ordres de grandeur de l'intensité de l'onde à l'intérieur de filaments parallèles à la propagation ont été obtenues. La présence d'instabilités longitudinales à grande échelle, même lorsqu'elles présentent des taux de croissance linéaires supérieures à celui de l'instabilité transverse, n'affectent le phénomène de filamentation que par une modulation longitudinale des structures produites.
Dans le cas où le domaine de calcul inclut un nombre bien plus grand de longueurs d'onde, des instabilités supplémentaires de type quasi-transverse peuvent aussi se développer et exciter des ondes magnéto-sonores. Il en résulte une forte croissance des gradients, tout particulièrement pour la densité et les composantes longitudinales de la vitesse et du champ magnétique. Les limites de résolution de la simulation sont ainsi rapidement atteintes, avant que les filaments en cours de formation (dans des directions faiblement obliques) ne puissent atteindre de très fortes intensités. L'ensemble de ces résultats valident les prédictions du formalisme d'enveloppe, y compris dans les régimes ou le couplage avec les ondes magnéto-sonores joue un rôle dynamique déterminant (Laveder et al. 2002b).
Dans le cas d'un faisceau d'ondes d'Alfvén présentant une extension finie dans les directions transverses, le phénomène de filamentation présente quelques propriétés spécifiques dû au fait que l'équation de Schrödinger non-linéaire décrivant la dynamique transverse inclut aussi un potentiel linéaire répulsif proportionnel à l'intensité de l'onde initiale. Alors que dans le cas d'une onde plane, ce terme est une pure constante qui ne fait que translater uniformément la phase de l'onde, il devient pertinent lorsqu'il présente une variation dans les directions transverses. L'étude des équations d'enveloppe et les comparaisons avec les simulations numériques directes des équations de la Hall-MHD ont permis de mettre en évidence de nouveaux phénomènes résultant de la compétition entre les effets non-linéaires et l'effet du potentiel répulsif (maximum au centre du faisceau). Ce dernier produit une modification aux temps courts de la distribution de l'intensité de l'onde, laquelle se concentre sur un anneau dans le plan transverse à la propagation. Une telle structure est instable par rapport aux perturbations azimutales dont le développement conduit à des phénomènes de collapse en des positions excentrées. Une telle dynamique n'est pas possible lorsque l'axisymmétrie du faisceau est imposée. Dans ce cas le collapse ne peut se produire qu'au centre du faisceau et ce seulement si la largeur du potentiel est significativement plus grande (typiquement d'un ordre de grandeur) que l'échelle modulationnellement instable typique de l'onde porteuse. L'étude numérique fine de ces questions a nécessité l'usage d'un code à maillage adaptatif développé à l'Université de Hong-Kong.
Dans le cas d'un paquet d'onde d'Alfvén présentant une extension finie également dans la direction longitudinale, nous avons montré par intégration des équations d'enveloppe et simulations numériques directes des équations de la Hall-MHD qu'une dynamique conduisant à la formation de structures magnétiques filamentaires de forte intensité (mais de longueur finie) ne peut se produire que si l'extension du paquet d'onde initial est suffisant (Laveder et al. 2002a).
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Dans un plasma non collisionnel les principaux mécanismes de dissipation résultent de phénomènes de résonance ondes-particules, ce qui nécessite une approche cinétique. L'intégration numérique directe des équations de Vlasov-Maxwell est cependant bien au delà des capacités des ordinateurs actuels les plus puissants. Le développement d'une description macroscopique de type fluide, incluant les effets cinétiques les plus pertinents, est donc d'une grande importance.
Dans le cas des ondes d'Alfvén se propageant le long d'un champ magnétique ambiant, un développement asymptotique est possible directement à partir des équations de Vlasov-Maxwell, lorsque leurs échelles sont grandes devant le rayon gyromagnétique des ions et leurs amplitudes suffisamment faibles pour préserver des effets dispersifs pertinents. Cette analyse est similaire à la dérivation de l'équation DNLS à partir des équations de la Hall-MHD mentionnée ci-dessus, à part qu'elle nécessite également de moyenner sur les variables de vitesse, et est donc techniquement beaucoup plus complexe. Un tel développement a été effectué par Rogister dans un bref article publié en 1971. Les mêmes équations ont été reproduites par Mjølhus et Wyller (1988) par une approche mixte partant des équations de la Hall-MHD avec une pression déterminée de fçon microscopique dans l'approximation du centre guide. Ne retenant pas les champs moyens, ces analyses ne peuvent cependant s'appliquer au cas des trains d'onde ou des paquets d'ondes de grande extension.
Nous avons ``revisité'' l'analyse de Rogister et l'avons étendue à des ordres plus élevés du développement afin de permettre la description de trains d'onde d'Alfvén par la prise en compte des champs moyens dans la direction longitudinale (Passot et Sulem 2002). Comme dans le contexte fluide, cela revient à introduire un couplage à la vitesse moyenne longitudinale, mais aussi à dériver des équations pour les pressions moyennes transverse et longitudinale. Un système fermé dit KDNLS pour ``Kinetic Derivative Nonlinear Schrödinger'' a ainsi été obtenu. Il est actuellement en cours d'étude. Il présente l'intérêt d'inclure de façon asymptotiquement exacte l'influence des effets cinétiques sur la dynamique d'ondes d'Alfvén de grande longueur d'onde. Les effets cinétiques, qui interviennent au travers de contributions non locales, sous forme de transformation de Hilbert dans les termes non-linéaires, affectent toutes les échelles et non pas seulement les plus petites.