La théorie dynamo du cycle solaire est confrontée
à de nombreuses difficultés pour l'explication du comportement observé
de l'activité des taches. Nous venons de voir
en particulier l'existence d'une irrégularité dans la séquence des cycles
de 11 ans. Mais le fait observationel le plus impressionnant est la soudaine
disparition des taches durant
la période 1645-1715 (minimum de Maunder).
La meilleure confirmation de l'existence du minimum de Maunder est
donnée par l'évolution temporelle de l'abondance
passée du C assimilé dans les troncs d'arbre.
L'évolution temporelle de ce radio-isotope montre de plus que ce minimum
n'est pas unique : il y a eu le minimum de Spörer (1420-1530),
le minimum de Wolf (1280-1340) et le minimum de Oort (1010-1050).
La distance moyenne entre ces minimums est de 190 ans, mais elle n'est pas
caractéristique d'une période ou quasi-période puisqu'il n'y a pas de
grand minimum en 1880 (Ruzmaikin 1981).
Cette suppression de l'activité (sous forme de taches) doit cependant être
une caractéristique naturelle de l'évolution temporelle de l'étoile
puisque non seulement elle appara^t de temps à autre,
mais de plus environ
10 à 15 %des étoiles de type solaire ne montrent pas d'activité (dans
les raies H et K du calcium) (Baliunas 1991).
Selon les séries temporelles d'indices terrestres
de l'activité solaire, telles celles
du
C ou du
Be, les cycles solaires de période de 11 ans
survivent durant les grands minimums mais
avec une faible amplitude, c'est-à-dire que peu d'évênements dus aux
champs magnétiques forts apparaissent à la surface. Nous avons vu au
chapitre 3 qu'en revanche, les variations du rayon étaient bien plus
prononcées qu'elles ne le sont actuellement. De plus des aurores boréales
ont été observées durant le minimum de Maunder ce qui aurait tendance à
montrer que l'activité magnétique était toujours présente bien que
faible.
La disparition des taches sur le Soleil fut un phénomène remarquable et remarqué par les scientifiques de l'époque. Il est en effet bien établi à présent que l'absence de taches n'est pas due à une absence d'observation puisqu'on compte plus de 8000 jours d'observations sur la période de 70 ans du minimum de Maunder (Hoyt et al. 1994, Ribes et al. 1988a). Weiss et Weiss (1979) notent de plus qu'il semblerait que même les non-astronomes aient été au courant de cette disparition des taches puisque Marwell dans un poème satirique adressé au roi y fait allusion.
Les observations montrant une irrégularité dans les cycles solaires et l'apparition soudaine de minimums prolongés de l'activité, ne peuvent s'expliquer ni par une périodicité régulière ni par une séquence de fluctuations aléatoires. L'explication de ces phénomènes requière une théorie de la dynamo non linéaire. Le champ magnétique global solaire (champ polodal) peut être très schématiquement représenté par un dipôle. Dans un régime non linéaire, un champ magnétique azimuthal peut être généré par un dipôle dominant et un quadripôle faible. Ceci pourrait expliquer l'existence d'une asymétrie entre le nombre de taches de l'hémisphère Nord et de l'hémisphère Sud. Un aspect très intéressant de cette dynamo non linéaire est l'existence d'une autre solution pour laquelle le quadripôle et le dipôle ont des forces comparables (figure 5.5). Ce cas implique l'absence de tache dans un hémisphère entier et un diagramme de papillon réduit à l'autre hémisphère. Une telle situation a pu survenir durant le minimum de Maunder, puisque les seules rares taches observées (une centaine) le furent dans l'hémisphère Sud uniquement et qu'elles étaient de plus confinées dans une zone proche de l'équateur (Sokoloff et Nesme-Ribes 1994 et références internes).
Par ailleurs, certains auteurs tentent d'expliquer l'irrégularité des cycles solaires par des modèles chaotiques de faible dimension (Feynman et Gabriel 1990, Mundt et al. 1991, Morfill et al. 1991, Pavlos et al. 1992, Carbonell et al. 1994). Un chaos de faible dimension (les différentes analyses mènent à des valeurs pour la plupart comprises entre 2 et 3) est un compromis entre la périodicité à 11 ans du nombre de Wolf et l'irrégularité visible dans la séquence des maximums et dans la période des cycles. Des modèles chaotiques reproduisent assez bien ce comportement sans permettre toutefois une représentation fidèle de tout ce qui est observé.
vig@