Chapitre 6 6.2 Les campagnes de mesures
La variabilité de l'irradiance totale n'implique pas forcément celle de la luminosité. Cependant, ainsi qu'on le verra dans le paragraphe 6.3, si l'irradiance totale est très fortement influencée par les phénomènes de surface, telles les taches et plages, ceux-ci n'expliquent pas toute sa variabilité en particulier sur des échelles de temps de l'ordre du cycle solaire. On se sait pas encore si cela est dû aux incertitudes de mesures des différents indices de l'activité solaire ou si c'est représentatif d'une variabilité solaire réelle qui serait à relier à des effets globaux tels les mouvements convectifs à grandes échelles (Ribes et al. 1985), les variations du rayon (Fröhlich et Eddy 1984, Delache et al. 1988, Ulrich et Bertello 1995) et/ou celles de la température photosphérique (Kuhn et al. 1988, Kuhn et Libbrecht 1991). La théorie de la structure et de l'évolution des enveloppes stellaires prédit que les variations de la luminosité sont principalement dues aux champs magnétiques de surface. Les variations du rayon sont théoriquement très faibles (et inobservables) et les estimations de la contribution des mouvements convectifs à la variabilité de l'irradiance (qu'ils soient à petite ou grande échelle) donnent des valeurs beaucoup trop faibles pour qu'ils aient une quelconque influence (Spruit 1994). Il est possible que les champs magnétiques à petite échelle affectent la luminosité solaire et qu'ils aient un effet dominant sur les variations à long terme (Solanki 1994). Les observations de l'irradiance et de sa variabilité sont donc particulièrement significatives des processus physiques de transport de l'énergie solaire.
Si la vie s'est développée sur la Terre c'est parce que cette planète possède une atmosphère qui filtre certaines longueurs d'onde du spectre solaire. Les radiations absorbées par l'atmosphère influencent les processus physiques à l'intérieur de cette dernière et parce que l'irradiance varie au cours d'un cycle solaire, l'état de l'atmosphère n'est pas le même entre le minimum et le maximum du cycle de 11 ans. Cette influence solaire a des répercutions sur la propagation des ondes radio-électriques utilisées dans les télécommunications et sur les temps de vie et vitesses des satellites (White et al. 1994). Par ailleurs, certaines études tendraient à montrer l'existence d'une connection entre activité solaire et climat terrestre, relation qui serait étayée par la concidence entre la très faible activité solaire au XVII siècle (minimum de Maunder) et le refroidissement observé en Europe à la même époque (Nesme-Ribes et al. 1993c, Sadourny 1994a). Il est cependant difficile d'établir l'existence d'une influence directe du Soleil sur le climat. R. Sadourny (1994) remarque par exemple que durant le petit âge glaciaire, il n'y a pas de données concernant la quantité d'aérosols volcaniques ou la profondeur de la circulation océanique qui peuvent aussi avoir une influence sur les mécanismes de perturbations induisant un refroidissement. De plus, les relevés de températures sont assez rares et espacés dans le temps. Par ailleurs, R. Sadourny ajoute qu'il est relativement facile (pour des climatologues certainement) de faire des calculs d'équilibre climatique qui simulent la réponse du climat terrestre aux variations à long terme de l'irradiance solaire. Je ne parlerai donc pas de ce sujet qui donne lieu à un vif débat à l'intérieur de la communauté scientifique (Roederer 1993). Je me contenterai de parler des effets directs de l'irradiance sur la composition chimique de l'atmosphère.
Le premier graphe de la figure 6.1 représente le spectre de l'irradiance obtenu dans des conditions d'activité minimale. La ligne pointillée schématise le spectre d'un corps noir à 5770 K (Lean 1991). Le second graphe de cette même figure représente l'estimation de la variation de l'irradiance spectrale entre le minimum et le maximum d'un cycle solaire de 11 ans. La ligne continue (jusqu'à 300 nm) est déduite d'observations par satellites durant le cycle solaire 21. Les variations pour des longueurs d'onde supérieures sont estimées à partir des variations des régions actives et de leurs contrastes au cours d'un cycle solaire. Entre 1000 nm et 3500 nm, l'amplitude prédite de la variation est négative ce qui signifie que les variations ne seraient pas en phase avec le cycle des taches. Le trait pointillé (horizontal) indique la valeur moyenne des variations de l'irradiance totale (c'est-à-dire intégrée sur tout le spectre).
Les radiations comprises entre 300 et 1000 nm atteignent la surface terrestre en étant modérément atténuées par l'atmosphère terrestre. Cependant, l'oxygène atomique, la molécule d'oxygène, l'azote et l'ozone absorbent une grande partie de l'énergie du Soleil pour les longueurs d'onde inférieures à 300 nm. Ces radiations ultraviolettes, bien qu'elles ne représentent qu'environ 1 %de la production radiative solaire, contrôlent donc les processus chimiques, radiatifs et dynamiques qui déterminent l'état de la moyenne et haute atmosphère terrestre. Ces émissions variant d'un facteur 1 à 100, suivant la longueur d'onde, au cours du cycle de 11 ans (voir le deuxième graphe de la figure 6.1), elles impliquent aussi des variations de l'état de la composition chimique de l'atmosphère terrestre.
La figure 6.2 montre les différentes couches de l'atmosphère
terrestre déterminées, comme pour le Soleil, par les inflexions du
profil de température. La table 6.1 présente, d'une façon
approximative,
les différentes couches atmosphériques, le domaine de longueurs d'onde des
radiations solaires qui y sont absorbées et les couches atmosphériques
solaires correspondant à ces domaines spectraux.
L'énergie reçue au niveau de la troposphère est
d'environ 1370 W/m. Elle varie de 3 %durant le cycle annuel de la
rotation de la Terre autour du Soleil (la Terre est plus proche du Soleil en
janvier qu'en juillet).
La diminution de la densité atmosphérique avec l'altitude et la plus grande
variabilité de l'énergie solaire qui y est absorbée font qu'il peut y
avoir une influence directe des radiations solaires sur la
stratosphère. Dans cette couche, l'équilibre énergétique se fait entre
le réchauffement dû à l'absorption des radiations ultraviolettes par
l'ozone et le refroidissement causé par l'émission infrarouge de cette
même ozone, du dioxyde de carbone, de l'eau et des CFC (chlorofluorocarbones).
Puisque c'est dans la stratosphère que réside la mince couche d'ozone, il
est important de séparer les variations naturelles résultant de la
variabilité solaire de celles résultant de la destruction catalytique de
l'ozone par les CFC qui perturbe l'équilibre
énergétique (Soon et al. 1996).
Dans les couches supérieures de l'atmosphère, ce sont les radiations
solaires inférieures à 170 nm qui sont principalement absorbées par
excitation, dissociation et ionisation des principaux composants
atmosphériques (molécules d'oxygène, molécules d'azote, et oxygène
atomique). Le rayonnement solaire maintient donc l'ionosphère (couche
atmosphérique située entre 80 et 500 km environ) dans un état
d'ionisation partielle, les électrons étant séparés des atomes sous
l'effet des rayonnements ultraviolets. Le cycle solaire faisant varier le flux
ultraviolet par un facteur 2 environ module aussi l'ionisation de cette couche
atmosphérique, modifiant ainsi les conditions de propagation des ondes
radio-électriques. L'absorption de l'extrême ultraviolet par l'atmosphère
a des effets plus globaux. Une augmentation de la température d'environ 500 K
au cours du cycle solaire (entre le minimum et le maximum du cycle) est par
exemple constaté (figure 6.2). Ce chauffage dilate l'atmosphère
neutre, augmentant la densité à toutes les altitudes supérieures
(figure 6.2). Un satellite, orbitant autour la Terre, parce qu'il est
freiné (augmentation de la densité), aura une durée de
vie plus courte en période de maximum d'activité qu'en période de
minimum. Des variations
journalières de l'altitude du satellite
SMM (Solar Maximum Mission) au cours de sa
descente dans l'atmosphère terrestre, assez semblables aux variations
journalières du flux solaire à 10,7 cm (très bon indicateur de
l'activité solaire) ont aussi été observées.
En effet, lorsque les radiations ultraviolettes sont plus
importantes (visibles sur l'augmentation concomitante du flux à 10,7 cm),
l'atmosphère terrestre se dilate, et la vitesse de descente du
satellite augmente (Lean 1991 et références internes).
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